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1ER MAI : DÉJOUER LE PIÈGE MÉDIATIQUE

mai 3, 2021
Peut être une image de plein air et texte qui dit ’PREMIER MAI DÉJOUER LE PIEGE MEDIATIQUE ANALYSE’

Depuis ce week-end, c’est une véritable déferlante médiatique pour parler du 1er Mai. S’agit-il de parler de la réussite numérique de la mobilisation, plus de 100 000 personnes, malgré l’état d’urgence ? De la crise sociale sans précédent qui frappe la population ? De manifestations créatives aux mots d’ordres internationalistes et constellées d’hommages à la Commune ? De la répression désormais habituelle de cette date traditionnelle ? Rien de tout cela.

Les médias, qui ne parlent jamais du 1er Mai, se précipitent pour raconter que les manifs auraient été « volées » par les désormais fameux « blacks blocks ». Selon une certaine presse, des « casseurs » auraient même « attaqué » le 1er Mai. Malheureusement, cette opération est reprise et amplifiée par certaines directions syndicales. La CGT 44 écrit par exemple que le 1er Mai a été « volé aux travailleurs ».

Éléments de réflexion :

➡️ Les personnes masquées et habillées de noir sont également des travailleurs et travailleuses, des chômeurs et des chômeuses, des précaires, mais aussi des étudiant.e.s, et parfois même des gens moins défavorisés et des syndicalistes. Exactement comme dans les cortèges syndicaux. Les travailleurs et travailleuses ne constituent pas un corps homogène qui pense et agit de la même façon. Il y a des diversités de pratiques, de mode d’action, de pensées, parmi elles et eux. Des niveaux de colère différents aussi. Le 1er mai appartient à celles et ceux qui luttent pour la justice sociale, du cortège de tête, aux lycéens et lycéennes, des étudiantes et étudiants, aux syndiqué.e.s et non syndiqué.e.s. Pas à une organisation.

➡️ À Nantes, que s’est-il passé ? Un cortège internationaliste se trouvait à l’avant du défilé, laissant la banderole intersyndicale passer devant. Pendant le parcours, des tags fleurissent, les palissades de la préfecture sont secouées, des vitrines étoilées et des tensions ont lieu avec le dispositif répressif. Qui tire une quantité impressionnante de gaz lacrymogène. En arrivant sur la place Graslin, fin du parcours officiel, le cortège de tête entame un second tour par la rue Crébillon. Il quitte donc la Place, pour permettre à toutes et tous de terminer la journée selon l’ambiance souhaitée : discussions et verres au soleil sur place ou poursuite de la manif ailleurs. Mais les gendarmes mobiles chargent rapidement, bloquent le cortège et provoquent l’affrontement. Ils envoient une salve continue de grenades lacrymogènes très puissantes sur toute la place, bien au delà de la rue concernée. Tout le monde se réfugie tant bien que mal dans les rues adjacentes, suffoquant, vomissant, tombant. Sur la place, un homme prend le micro et, plutôt que de dénoncer les gazeurs, fustige les « casseurs qui ont foutu la merde ». C’est l’engueulade. Des membres du cortège de tête comme des syndicalistes s’interposent pour arrêter ce conflit absurde. Chacun reprend ses esprits, mais une altercation a eu lieu. Un syndicaliste a craché sur une femme identifiée comme « autonome » avant de la frapper au visage. C’est à notre connaissance la seule personne blessée à ce moment. Vous avez dit « non violent » ?

➡️ La préfecture avait parfaitement rodé son piège. Au lieu de laisser partir le cortège de tête, elle l’a bloqué avant de gazer toute la place Graslin, provoquant un sentiment de rancœur. Il est clair que la préfecture avait écrit ce scénario. C’est bien la police nantaise, sur ordre, qui est responsable du gazage place Graslin. Comme du gazage de la fête de la musique en 2019 ou de la fête foraine, et même de la maternité… Dans ces conditions, il est dommage d’emboîter le pas de la communication gouvernementale, alors qu’il y avait des milliers de personnes dans la rue pour célébrer les 150 ans de la Commune, une dimension internationale importante, un cortège Queer en tête…

➡️ Les médias préfèrent se concentrer sur ce qui divise. Ils choisissent également de ne pas parler de la répression. Or, gazer comme l’a fait la police place Graslin est une véritable mise en danger d’autrui, surtout vu la puissance suffocante des gaz ce jour-là. De la même façon, les médias n’ont pas parlé des terribles charges policières à Paris et Lyon, des blessé.e.s, des interpelé.e.s, mais seulement des bagarres lamentables qui ont éclaté, souvent causées par l’attitude violente d’un Service d’Ordre brutal. Comme s’il était normal que le 1er Mai, en France, soit réprimé. Joli tour de passe passe.

➡️ En bref, la communication gouvernementale est bien rodée et les médias font monter la tension délibérément. Qu’il y ait des débats entre les composantes du mouvement social est une réalité. Que le SO de la CGT ait déjà été violent envers les autonomes est également tout à fait vrai, et ce depuis les années 1960. Que le cortège de tête et la diversité de ses membres fassent des erreurs est incontestable. Mais la volonté affirmée par certaines directions syndicales de s’approprier le 1er mai, couplée aux tensions déjà existantes sur la question des modes d’action, a ouvert un boulevard au pouvoir pour imposer son récit et ne parler que de bagarres internes aux défilés. À présent, tout le monde politique y va de son petit soutien à la CGT : Schiappa, Borne, Dupont-Moretti… Manipulation grossière de ceux-là mêmes qui sabrent les droits sociaux et répriment les syndicalistes depuis des années !

Le récit de cette journée a été imposé par le pouvoir. Renchérir, souvent sans avoir les éléments suffisants, c’est tomber dans la narration de l’ennemi. Face au fascisme qui montre chaque jour d’avantage ses crocs, au régime policier et managérial, aux catastrophes imminentes : discutons, résistons, organisons nous.