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IL Y A 7 ANS, RÉMI FRAISSE, TUÉ PAR LA GENDARMERIE

octobre 26, 2021

Rémi aurait 28 ans aujourd’hui. Sa mort constitue un tournant politique majeur


Dimanche 26 octobre 2014, au matin. Les médias répètent en boucle les mots de la préfecture : «Le corps d’un homme a été découvert par les gendarmes» à Sivens, dans le Tarn, sur l’esplanade de terre battue où se situait une forêt dévastée par un projet de barrage.

Une vie vient d’être arrachée par la grenade explosive tirée par un gendarme. La détonation à hauteur de tête d’une munition GLI F4 a tué sur le coup un jeune de 21 ans. Rémi Fraisse.

Toute la nuit qui vient de s’écouler, des dizaines de grenades et de balles en caoutchouc ont été envoyées sur quelques grappes de manifestants. Le Parti Socialiste a tué un manifestant, un écologiste, pour imposer un projet absurde et destructeur. Immédiatement, le pouvoir tente de salir à titre posthume le défunt : en suggérant qu’il est peut-être responsable de sa propre mort, en faisant croire que le sac de Rémi aurait peut-être contenu des explosifs. Tout est faux, il faut faire illusion.

Dans les jours qui suivent, le gouvernement inonde les rues de nuages lacrymogènes. Il n’est pas rare que la police tue en banlieue, mais c’est la première fois qu’une personne perd la vie au cours d’une manifestation depuis plusieurs décennies. Le précédent remonte au 6 décembre 1986, quand Malik Oussekine était mort sous les coups d’une patrouille de policiers à moto, lors d’une manifestation étudiante. Après la mort de Malik Oussekine, plusieurs centaines de milliers de personnes défilaient dans les rues de Paris et de plusieurs grandes villes de France en solidarité, contre les violences policières. L’affaire poussait un ministre à démissionner. Les « voltigeurs » étaient dissous. La loi Devaquet enterrée.

Après la mort de Rémi en 2014 : rien. C’est un tournant historique. Au lieu de calmer le jeu, le gouvernement choisit la force : il interdit les manifestations en hommage au jeune écologiste. Les villes sont mises en état de siège. Rennes, Nantes ou Toulouse sont occupées, plusieurs samedis d’affilés, par des dispositifs de centaines d’uniformes, appuyés par des hélicoptères. Tout est fait pour réduire à néant les protestations, étouffer les braises. Les policiers ont carte blanche : arrestations préventives de masse , charges sans sommation, tirs de grenades.

Le temps où les gouvernants faisaient le dos rond quand ils avaient du sang sur les mains est révolu. Le sang versé à Sivens suscite au mieux une indifférence gênée, au pire un soutien tacite. La gauche institutionnelle n’essaie même plus de faire illusion face à l’inacceptable. Elle ne l’a pas fait avant. Pourquoi sortirait-elle de sa léthargie pour un jeune botaniste tué par la gendarmerie ?

Ceux qui gouvernent la France vont acquérir une nouvelle expertise : celle de faire accepter le meurtre d’un opposant politique. À partir de là, il redevient “possible” de tuer un manifestant sans provoquer de réaction massive. 7 ans plus tard, la justice a enterré l’affaire. Et sa famille pleure toujours Rémi.

Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, ira jusqu’à déclarer plus tard : «Ce ne sont pas les attentats qui m’ont fait gagner le respect de mes hommes, mais bien Sivens». L’Etat a fait bloc autour de ses forces de l’ordre.

Depuis, il y a eu la Loi Travail, les Gilets Jaunes, des mobilisations sociales, écologistes, ou pour défendre les libertés, toutes réprimées avec une férocité extrême. Les mains arrachées, les yeux perdus, les blindés dans les rues, les trous dans les visages, les armes de plus en plus dangereuses. A chaque mobilisation, un nouveau saut dans la violence d’État. Et des morts. Notamment Zineb Redouane, tuée chez elle en pleine manifestation de Gilets Jaunes.

La transition autoritaire du régime politique s’est accélérée le 26 octobre 2014. Nous le payons aujourd’hui. Ne l’oublions jamais. N’oublions pas Rémi. Faisons vivre ses combats.